Le 15 aout est une date mythique pour les triathlète. Petit récit de Stéphane P. qui nous raconte l'intérieur de la course :
" Embrun 2015…j’en ai rêvé tout l’hiver....
Malgré des déboires physiques à base d’une tendinite amoureuse folle de mon genou droit depuis l’IM de Vichy 2014, l’expertise de notre Toub’ (inter)national et les mains magiques de Jérôme (G) m’ont permis de pouvoir trotter à nouveau en avril.
Les sensations aidant, je fais fumer la carte bleue le 09 mai pour m’adjuger le droit d’en baver tout le 15 août !
Le 13 août, J-2, la petite famille débarque dans la capitale du triathlon d’été. La tension est présente au retrait des dossards. La météo s’annonce perturbée et la température bien fraîche…
Le 14 août, J-1, est consacré à un footing matinal, une rando familiale, une sieste post-prandiale (je vous laisse en chercher la signification), un check-in vélo banal (et pluvieux) puis un repas frugal, limité par les capacités d’absorption de mon estomac noué.
Toute la nuit, je reste allongé, stoïque, les yeux fermés mais sans vraiment dormir.
Tic, tac, tic, tac… pas besoin des multiples driiing programmés, je n’y tiens plus et je me lève. Il est 2H58 et on ne distingue aucune étoile dans le ciel nuageux.
Je suis le premier des triathlètes de l’hôtel au petit déjeuner prévu à 3H30 et, même si l’œsophage est bien serré, je me force à manger ma salade de riz et quelques tartines de beurre/confiture. La pluie et le froid ne sont pas loin, il va falloir du gras.
4H30, le ruban lumineux de frontales indique la voie jusqu’au parc à vélos. Chacun transporte sa « caisse », seul contenant autorisé au pied du vélo.
4H45, je débâche le vélo, qui est resté au sec, et procède aux derniers préparatifs. J’avais prévu la journée en trifonction avec le maillot « Vitrolles » pour le vélo. Mais les conditions météo sont si peu favorables que j’opte pour une veste coupe-vent et une paire de gants d’hiver. Les couleurs de Vitrolles resteront masquées puisque je suis le seul représentant, contrairement à 2013, l’année de la sortie club.
5H15, je me contorsionne en passant la seconde peau en néoprène.
5H30, le flot de tortues se meut vers la plage du plan d’eau.
5H50, les femmes prennent le départ dans la nuit noire sous les applaudissements d’un public nombreux.
5H55, le compte à rebours égrène ses secondes vers le signal libérateur. Je suis très concentré sur la course, la gestion va être le maître mot de la journée, principalement s’il pleut.
1 minute, les lunettes sont positionnées sur le bout du nez.
30s, je déclenche le chrono et ajuste le néoprène de la combinaison.
15s, bizarrement je me dis qu’il va falloir faire 234km avant de pouvoir manger une pizza 4 fromages.
5s, le plan d’entraînement a été suivi avec rigueur malgré les inévitables aléas. Je n’ai même pas mangé cette fameuse pizza….il n’y a pas de raison, ça va le faire !
GO !!
Une vingtaine de mètres de footing et l’eau sombre m’avale au milieu de mes congénères les malades mentaux.
Evidemment, je n’ai pas couru assez vite et me fais enfermer. Du coup, je nage sur une allure tranquille en mode diesel.
Peu à peu le soleil perce la grisaille et le plan d’eau s’éclaircit. A chaque respiration je regarde la montagne et les nuages lourds de pluie qui s’accrochent.
A l’amorce du deuxième tour, je me suis bien dégagé et ai trouvé ma vitesse de croisière avec une remontée régulière. Néanmoins, je ne conclurai pas la natation sur un super temps, désolé Hervé pour tous tes efforts hivernaux à m’apprendre à nager.
Dernière ligne droite de 900m. J’allonge un peu plus les bras, les sensations sont bonnes et la combinaison glisse dans l’eau. Est-ce qu’on peut échanger un troisième tour contre 20km de vélo ?
Passage en position verticale tout en s’orientant vers la rangée 30 où mon beau BMC est suspendu, prêt pour une aventure de 188km et un dénivelé non négligeable.
Je prends le temps de bien m’habiller et sors du parc en enfournant une banane. En avant, haut les cœurs…plus que 230km avant la pizza.
La première ascension se déroule sans aucun accroc. Je double un peu, me fais doubler aussi, les tri-cyclistes prennent leurs marques.
Descente vers Savines et retour vers Embrun pour la boucle de 40km. La famille a investi le bord de la route juste avant la montée de Baratier. J’abandonne provisoirement le prolongateur pour profiter de leurs encouragements, puis relance « à fond », galvanisé par leurs cris !
Guillestre passe, avec un léger coup de moins bien vite récupéré. La vallée du Guil s’enchaîne avec son faux plat interminable.
Plic, ploc font les gouttes de pluie en s’écrasant sur mon casque.
Dernier virage vers Arvieux et l’ascension du col de l’Izoard…sous la pluie qui s’intensifie. Ce n’est pas trop gênant pour l’instant et les kilomètres défilent. Je pioche dans ma réserve de fruits secs…un kilomètre, un fruit sec…j’en ai compté le nombre exact pour aller d’Arvieux au col !
Mes parents sont juchés 300m avant le sommet et mitraillent à mon passage.
Pause au ravitaillement personnel pour recharger en fruits secs, gels et barres de céréales, sans oublier le traditionnel sandwich jambon/fromage dont la dégustation est remise à plus tard avec cette mauvaise météo. Je gobe vite fait un gâteau de riz abandonné sur la table humide et passe un temps infini à passer la veste de pluie, mettre les manchettes et les gants d’hiver.
C’est parti pour le sport de glisse.
Les deux premiers virages sont négociés comme un véritable pro, mais je reprends vite mon statut d’amateur médiocre avec deux dérapages consécutifs, roue arrière bloquée. Prudence, prudence, ce n’est pas là qu’il faut essayer de gagner du temps !
Miraculeusement, la route redevient sèche au passage de Cervières. Je remets des watts dans les manivelles.
Briançon, puis la route nationale pour le chemin du retour…La pluie, qui nous avait oubliés depuis Cervières, reprend son travail d’usure.
La côte de Pallon est avalée sans forcer ( !), je me sens bien et le cardio se maintient dans la zone verte.
Plic, ploc, plic, ploc, la pluie forcit, la route est trempée et les pneus laissent un sillage net derrière chaque bicyclette.
A Réotier, il faut mettre pied à terre sur indication des arbitres pour passer une zone de travaux. Cette pause forcée est l’opportunité d’enlever les gants et de manger, enfin, mon sandwich.
Le retour par Saint André d’Embrun se fait sous une forte pluie qui ne se calme qu’à l’attaque de la légendaire montée de Chalvet qui clôture le parcours vélo. Finalement, ça passe sans encombre en reprenant encore quelques attardés.
Léger incident dans la descente de Chalvet où un signaleur ne m’indique pas le bon embranchement et m’oblige à mettre pied à terre pour rebrousser chemin.
Arrivée au parc, 30 rangées à remonter et je suspends mon vélo tout en ayant, comme à l’habitude, une pensée pour les doigts de fée de mon vélociste (Bicimania à Istres, un peu de pub’) qui a parfait tous les réglages du BMC pour que ça fonctionne…comme une horloge suisse.
Je dégage la trifonction en ôtant le blouson de pluie, 2 petits bidons fixés à la ceinture et c’est parti pour une balade de 42km…qui débute par une pause technique impérative, la vessie ayant atteint son autonomie maximale depuis ce matin 6H00 !
A la sortie du parc, j’entends quelqu’un me crier que je suis environ 160iem.
3km plus loin, le président de « Durance Triathlon », que j’avais doublé avant Chalvet, me rattrape, intègre mon rythme puis me lâche inexorablement mètre par mètre vers le 10iem km. Je décide sagement de maintenir le cardio sans effort supplémentaire. Il est plus fort que moi, c’est tout !!
Madame et les enfants sont là, ils naviguent sans cesse vers différentes localisations du parcours, me tapent dans les mains, vivent la course avec moi : ça booste le mental !
Gégé et Florie sont aussi sur le côté et m’encouragent à de nombreuses reprises. « Respire man » me lance Gégé à chaque fois que je le vois !
Vers le 12iem km, Marcel Zamora se joint à l’aventure. Il est dans son deuxième tour mais ne vole pas vers une sixième victoire, la fatigue se lit sur son visage. Pendant presque 10km, il va rester calé dans ma foulée !!! Je n’en reviens pas et louche de temps en temps sur le « maître » juste à côté de moi !!
Son entraîneur joue le poisson pilote en vélo (c’est autorisé ça ?). « Vamos Marcel » lance-t-il à l’approche du plan d’eau où le maître d’Embrun accélère vers son finish en me déposant. Il me reste 25km, ce n’est pas le moment de s’enflammer.
Le chronomètre de la finish line indique 10H20’ de course. Rapide calcul, si je cours sur le même rythme, je peux finir en moins de 12H30 avec une marge de sécurité.
Deuxième tour! Je passe devant le groupe de supporters de Durance Triathlon (croisés à Hyères et au half-Altriman) qui applaudissent sportivement, ils sont contents, leur président m’a pris quelques minutes !!
Alors que j’approche de la montée vers Embrun, les batteries fleurtent avec le minimum. Pas de panique, arrêt complet au ravitaillement suivant et pause d’une minute (montre en main) pour boire et enfourner bananes et TUC salés en même temps. Je repars en trottinant en ayant confiance, ça va le faire, ça va le faire, la pizza 4 fromages n’est qu’à 20 km de moi !
Le rythme redevient normal après cet arrêt salvateur et je dépose de nombreux « marcheurs » terrassés par ce parcours.
Descente vers la Durance, passage sur le pont Neuf puis direction Baratier. Il reste 10km à parcourir, tout juste ce que je cours à l’entraînement du matin, facile !!
Je passe Gégé en tendant 4 doigts de la main, 4 comme le nombre de km restants.
Coup d’œil au chrono, les moins de 12H30 sont assurées. Le palpitant tambourine tranquillement et seules les cuisses sont dures. J’allonge la foulée, saute le ravitaillement suivant, enchaîne les petites bosses du 40iem km.
Le parc à vélo défile devant moi puis la piscine municipale, je lève déjà les bras, poings fermés, sans bouder mon plaisir devant les applaudissements de la foule.
Virage vers le tapis bleu…Embrun, c’est magique comme nulle part ailleurs, le franchissement de la ligne se fait dans une explosion de joie : 12H12’, j’exulte, et dans le top 100 avec une 99iem place. Même pas mal aux jambes (pour l’instant en tout cas…) !!
Les secondes suivantes sont un peu brouillées : médaille autour du coup, T-shirt de finisher serré fort comme un doudou, je rejoins le ravitaillement final et retrouve le président de Durance Triathlon qui a fini quelques minutes devant moi. On se congratule respectivement pour cette belle journée de sport et d’émotion. La pluie ne tombe plus, et j’ai même l’impression que le soleil brille.
Embrun, c’est fini. Le défi est relevé une seconde fois et je n’en suis pas peu fier. Les chevilles enfleraient presque ce soir du 15 août.
Léger voile de nostalgie en se remémorant les mois de préparation pour franchir cette ligne d’arrivée, les restrictions alimentaires, les entraînements calés au milieu d’un emploi du temps en perpétuelle mouvance, les réveils ultra-matinaux pour rouler dans la nuit tel un hibou ou pour plonger dans l’eau du Liourat.
Cette aventure ne pourrait trouver son dénouement sans une famille qui adhère pleinement à cet effort, une famille qui a été là le 15 août toute la journée pour me soutenir, mais, surtout, qui a été présente depuis mars et a suivi la lente progression physique et mentale jusqu’au jour J.
Merci à tous ceux qui m’ont soutenu dans les instants où je doutais (un peu) et une pensée vers nos coachs, Hervé et Arnaud qui doivent toujours m’apprendre à nager correctement.
Au fait, la pizza 4 fromages, je l’ai bien mangée !
Promis, je ne refais plus d’Ironman…en 2015.
Stéphane
EmbrunMan 2013 & 2015"
Bravo Stéphane, et merci pour cette histoire...